nulle trace de poussière

ce matin sur mes yeux

et pourtant le marchand de sable

a versé sur moi hier au soir

un rideau de son or

petite enfant ensommeillée

je me roule tel un chaton

en petite boule tiède

attendant le baiser de maman

qui me berce en chantonnant

je souris, la chaleur est tendre

ma main si petite serrée dans la sienne

je sais qu’un ange me veille

et qu’il viendra tout doucement

m’emporter vers des rêves enchantés…

tandis que, ce matin,

je discutais avec une coccinelle,

j'ai pensé aux milliers de coccinelles

que personne ne connaît…

tu lis encore à haute voix

et je n'entends pas mes mots

se bousculer dans ma gorge

mais ne t'arrête pas !

le vide me casse les oreilles

comme un marteau d'écume

sur le rocher lavé de sel.
               

je ne comprends aucun mot

quel mélange de parfums,

de couleurs et de sens

mais je ris doucement dans ma tête

j'ai envie de les répéter de travers

je jette un petit éclat joyeux

à travers un rayon de soleil taquin

juste avant que tu ne l'enfermes dehors

en fermant le volet

écouter encore le ronflement

des voitures qui passent, affolées,

où vont-elles donc toutes ?
                

ce regard qui croise le mien,

tu penses à quoi ?

"y a-t-il un mot entre chagrin et tristesse ?"

je ne sais pas… qu'en pense le dictionnaire ?

je ne ressens ni l'un ni l'autre

ou alors un soupçon de mélancolie

parce que le jour décline doucement

et que la nuit va encore m'entraîner

vers des rêves sordides.
               

dehors quelqu'un fait crier sa radio,

les bruits sont parfois surprenants :

je ne peux pas savoir qui nous envahit

mais il entre un peu en nous.

tu relis encore la même phrase,

qu'a-t-elle donc d'incompréhensible ?
                 

tu photographies les mots couchés sur la table

en travers d'un filet de lumière

accroché aux livres éparpillés

pourquoi le monde n'est-il pas amusant

comme une page de mots rieurs ?
               

je songe à la vie que j'aurai ailleurs,

qui me fait un peu peur

mais tu me rassures, tu sais que j'ai raison.

tu lis encore et encore,

j'ai cette irrésistible envie de rire

à chaque son écorché

quand pouvons-nous nous échapper ?
            

j'ai envie de sortir de la cage des mots

pour balader le soleil sur mon épaule

dans cette lumière baissante,

la plus belle du jour !

"tu as fait une erreur"

et alors ! suis-je parfaite ? non, femme !

je collectionne les erreurs, pourquoi pas…
            

mes doigts se sont greffés au stylo

qui fait l'amour à la page vierge

ils glissent encore et encore, aucun soupir… !

pourquoi veux-tu mettre deux i dans le rire ?

il a déjà le son du grelot…
               

je n'aime pas que tu me coupes la parole,

mes mots s'évanouissent, insatisfaits,

où vont-ils quand ils ne sortent pas ?

se rangent-ils dans le petit placard des mots ?

je vais me laver les mains,

le stylo épuisé et satisfait

y a laissé ses traces en soupirant…

je me suis endormie

les lunettes sur le nez

je ne voyais pas mieux mes rêves.

pourtant

la chanson a commencé,

droit devant

chanson générique d’un rêve

sans doute en version originale,

je ne le savais pas encore.

les images sont arrivées en désordre

parfait chaos à résoudre

comme un puzzle.

quelques spectres dansaient au plafond,

le décor se mettait en place

sur fond de bateau-ciel

où la lune brillait à côté du soleil

et le cœur de mon rêve est arrivé

sur une barque aux couleurs

du Bosphore

ligne un

j'écris ton prénom en majuscule,

taisez-vous les oiseaux !

je n'entends pas ma voix
                     

ligne deux

mes doigts arrachent un mot

j'en avais oublié quelques uns

en fioritures sur la ligne d'avant

j'écris "je t'aime"

car cela suffit à tout dire
                     

ligne trois

sifflement à l'horizon

c'est le train de 0h23

il file sans s'arrêter d'habitude

je le dessine, ligne trois
                         

ligne quatre

j'écris tes yeux qui me regardent

quand tu ne me comprends pas
              

ligne cinq

pourquoi en rajouter encore

puisque jour après jour

je les construis un peu plus loin